Candide ou l’Optimisme | Voltaire

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Prétendument traduit du docteur Ralph (qui, en réalité, n’est que le pseudonyme utilisé par Voltaire), avec les « additions qu’on a trouvées dans la poche du docteur », cette œuvre, ironique dès les premières lignes, ne laisse aucun doute sur l’origine de l’auteur, qui ne pouvait qu’être du parti des philosophes. Candide est également un récit de formation, récit d’un voyage qui transformera son héros éponyme en philosophe, un Télémaque d’un genre nouveau.

Présentation de l’ouvrage

Candide ou l’Optimisme est un conte philosophique de Voltaire paru à Genève en janvier 1759. Il a été réédité vingt fois du vivant de l’auteur, ce qui en fait l’un des plus grands succès littéraires francophones. Seulement un mois après sa parution, six mille exemplaires avaient été vendus. Ce nombre est considérable pour l’époque. Prétendument traduit du docteur Ralph (qui, en réalité, n’est que le pseudonyme utilisé par Voltaire), avec les « additions qu’on a trouvées dans la poche du docteur », cette œuvre, ironique dès les premières lignes, ne laisse aucun doute sur l’origine de l’auteur, qui ne pouvait qu’être du parti des philosophes. Candide est également un récit de formation, récit d’un voyage qui transformera son héros éponyme en philosophe, un Télémaque d’un genre nouveau.

Présentation de l’auteur

François-Marie Arouet, dit Voltaire, né le 21 novembre 1694 à Paris et mort dans la même ville le 30 mai 1778, est un écrivain, philosophe et homme d’affaires français qui a marqué le XVIIIe siècle.

Représentant le plus connu de la philosophie des Lumières, anglomane, féru d’arts et de sciences, personnage complexe, non dénué de contradictions, Voltaire marque son époque par sa production littéraire et ses combats politiques. Son influence est décisive sur les classes fortunées libérales avant la Révolution française et pendant le début du XIXe siècle.

Anticlérical mais déiste, il dénonce dans son Dictionnaire philosophique le fanatisme religieux de son époque. Sur le plan politique, il est en faveur d’une monarchie modérée et libérale, éclairée par les « philosophes ». Mettant sa notoriété au service des victimes de l’intolérance religieuse ou de l’arbitraire, il prend position dans des affaires qu’il a rendues célèbres : Jean Calas, Pierre-Paul Sirven, le chevalier de La Barre et le comte de Lally.

Informations complémentaires

© Éditions Casamédia, 2020.
ISBN : 9798552317899 – 1ère de couverture : illustration par Jean-Michel Moreau, 1787.
4e de couverture : peinture de Nicolas de Largillière, 1724 ou 1725.
Édition originale : Garnier, 1877.
1ère parution : Gabriel Cramer, 1759.

Auteur : Voltaire
Nombre de pages : 124
Date de sortie : 23/10/2020
Dimensions : 229×218

Extrait

Chapitre I

Comment Candide fut élevé dans un beau château, et comment il fut chassé d’icelui.

Il y avait en Vestphalie, dans le château de M. le baron de Thunder-ten-tronckh, un jeune garçon à qui la nature avait donné les mœurs les plus douces. Sa physionomie annonçait son âme. Il avait le jugement assez droit, avec l’esprit le plus simple ; c’est, je crois, pour cette raison qu’on le nommait Candide. Les anciens domestiques de la maison soupçonnaient qu’il était fils de la sœur de monsieur le baron et d’un bon et honnête gentilhomme du voisinage, que cette demoiselle ne voulut jamais épouser parce qu’il n’avait pu prouver que soixante et onze quartiers[1], et que le reste de son arbre généalogique avait été perdu par l’injure du temps.

Monsieur le baron était un des plus puissants seigneurs de la Vestphalie, car son château avait une porte et des fenêtres. Sa grande salle même était ornée d’une tapisserie. Tous les chiens de ses basses-cours composaient une meute dans le besoin ; ses palefreniers étaient ses piqueurs ; le vicaire du village était son grand aumônier. Ils l’appelaient tous Monseigneur, et ils riaient quand il faisait des contes.

Madame la baronne, qui pesait environ trois cent cinquante livres, s’attirait par là une très-grande considération, et faisait les honneurs de la maison avec une dignité qui la rendait encore plus respectable. Sa fille Cunégonde, âgée de dix-sept ans, était haute en couleur, fraîche, grasse, appétissante. Le fils du baron paraissait en tout digne de son père. Le précepteur Pangloss[2] était l’oracle de la maison, et le petit Candide écoutait ses leçons avec toute la bonne foi de son âge et de son caractère.

Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolo-nigologie. Il prouvait admirablement qu’il n’y a point d’effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux, et madame la meilleure des baronnes possibles.

« Il est démontré, disait-il, que les choses ne peuvent être autrement : car tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes ; aussi avons-nous des lunettes[3]. Les jambes sont visiblement instituées pour être chaussées, et nous avons des chausses. Les pierres ont été formées pour être taillées et pour en faire des châteaux ; aussi monseigneur a un très-beau château : le plus grand baron de la province doit être le mieux logé ; et les cochons étant faits pour être mangés, nous mangeons du porc toute l’année. Par conséquent, ceux qui ont avancé que tout est bien ont dit une sottise : il fallait dire que tout est au mieux. »

Candide écoutait attentivement, et croyait innocemment : car il trouvait Melle Cunégonde extrêmement belle, quoiqu’il ne prît jamais la hardiesse de le lui dire. Il concluait qu’après le bonheur d’être né baron de Thunder-ten-tronckh, le second degré de bonheur était d’être Melle Cunégonde ; le troisième, de la voir tous les jours ; et le quatrième, d’entendre maître Pangloss, le plus grand philosophe de la province, et par conséquent de toute la terre.

Un jour, Cunégonde, en se promenant auprès du château, dans le petit bois qu’on appelait parc, vit entre des broussailles le docteur Pangloss qui donnait une leçon de physique expérimentale à la femme de chambre de sa mère, petite brune très-jolie et très-docile. Comme Melle Cunégonde avait beaucoup de disposition pour les sciences, elle observa, sans souffler, les expériences réitérées dont elle fut témoin ; elle vit clairement la raison suffisante[4] du docteur, les effets et les causes, et s’en retourna tout agitée, toute pensive, toute remplie du désir d’être savante, songeant qu’elle pourrait bien être la raison suffisante du jeune Candide, qui pouvait aussi être la sienne.

Elle rencontra Candide en revenant au château, et rougit ; Candide rougit aussi. Elle lui dit bonjour d’une voix entrecoupée ; et Candide lui parla sans savoir ce qu’il disait. Le lendemain, après le dîner, comme on sortait de table, Cunégonde et Candide se trouvèrent derrière un paravent ; Cunégonde laissa tomber son mouchoir, Candide le ramassa ; elle lui prit innocemment la main ; le jeune homme baisa innocemment la main de la jeune demoiselle avec une vivacité, une sensibilité, une grâce toute particulière ; leurs bouches se rencontrèrent, leurs yeux s’enflammèrent, leurs genoux tremblèrent, leurs mains s’égarèrent. M. le baron de Thunder-ten-tronckh passa auprès du paravent, et, voyant cette cause et cet effet, chassa Candide du château à grands coups de pied dans le derrière. Cunégonde s’évanouit : elle fut souffletée par madame la baronne dès qu’elle fut revenue à elle-même ; et tout fut consterné dans le plus beau et le plus agréable des châteaux possibles.

[1] Quartier signifie chaque degré d’ordre et de succession des descendants. En France, un homme était réputé de bonne noblesse quand il prouvait quatre quartiers du côté du père et autant du côté de la mère. En Allemagne, il fallait faire preuve de seize quartiers, tant du côté paternel que du côté maternel, c’est-à-dire avoir cinq cents ans de noblesse environ. Aussi les nobles allemands prenaient-ils bien garde de se mésallier. (G. A.)

[2] De pan, tout, et glossa, langue.

[3] Voyez tome XVIII, page 103 ; dans les Mélanges, année 1738, le chapitre XI de la troisième partie des Éléments de la philosophie de Newton ; et année 1768, le chapitre X des Singularités de la nature.

[4] Principe leibnitzien, duquel dépendent toutes les vérités contingentes. Il n’y a personne qui ne se détermine à une chose sans une raison suffisante qui lui fasse voir que cette chose est préférable à l’autre. (G. A.)